de Iegor Gran
"Les faits divers sont les soupapes cachées de la civilisation. Voici qu’un certain Norman, professeur d’économie à l’Université de Berkeley, dérobe le portefeuille d’un clochard. Coup de folie ? Envie de jouer au surhomme ?... Ses proches sont perplexes. Et Norman, qui a toujours étalé sa probité de gauche, patauge maintenant dans un fâcheux bourbier moral. L’incident aurait été un simple dérapage vite oublié – qui se soucie d’un clochard ? –, si au même moment, s’emparant de l’affaire, un journaliste à la déontologie moribonde n’avait bidonné un article pour l’Oakland Daily. Le crime se recycle et prend de l’ampleur. Une blonde est étranglée dans un terrain vague. Un vent mauvais se lève à Berkeley, soufflant sur les ruines de la famille, des rapports amoureux et des théories économiques à la mode.
Ainsi, comme à l’accoutumée dans les livres de Iegor Gran, nous assistons à un très réjouissant jeu de massacre qui n’épargne ni les personnages du roman ni leurs référents dans la réalité contemporaine. Si on ajoute à cela une histoire remarquablement ficelée, le lecteur est happé par une mécanique implacable qui n’a rien à envier à celles qui gouvernent les chef-d’œuvre du genre. À ceci près, tout de même, qu’ici, en plus, on rit beaucoup. On rit devant la drôlerie des situations, l’habileté narrative et dramatique de l’auteur, mais on rit aussi à cause de son incroyable talent de manipulateurs de mots. Iegor Gran, comme personne, sait rendre notre langue métaphorique. C’est du grand art, c’est d’une poésie inattendue, burlesque et d’une rare créativité, d’autant plus surprenant qu’elle n’arrête en rien le fonctionnement de l’intrigue mais au contraire le nourrit."